Le pouvoir d'achat en France

Voici un article de fond sur l'évolution du pouvoir d'achat en France et la hausse de l'inflation, tiré du site Capital.fr. Il est plutôt intéressant et vous donnera peut-être des idées en économie, voire en entretien !

Les Français, en nombre toujours plus grand, se plaignent de voir les prix flamber, les salaires stagner et leur budget s’éroder. A juste titre ? Une enquête complète.

Sur la question du pouvoir d’achat, chacun à sa petite idée. Ségolène Royal assure qu’il est trop bas, Bernard Thibault, qu’il est beaucoup trop bas, Laurence Parisot, qu’il n’est point assez haut, François Bayrou, qu’il faudrait l’augmenter, et Olivier Besancenot, que tout ça est une honte. Quant à Nicolas Sarkozy, toujours prompt à se différencier, il estime que les Français ont bien raison de s’en faire pour leur pouvoir d’achat (car il le trouve lui-même très bas).

Pendant que ce petit monde théorise sur leur cas, les consommateurs, eux, continuent de flamber comme des bougies d’anniversaire : ils ont fait une razzia sur les écrans plats (720 000 appareils écoulés en deux mois avant la Coupe du monde de rugby), dévalisé les rayons d’iPhone à 499 euros (30 000 exemplaires arrachés en cinq jours au mois d’octobre) et rendu le sourire aux commerçants dès le premier week-end des soldes de janvier. «Les ventes ont progressé de 10 à 15% par rapport à la même période de l’année dernière», se réjouit la Fédération des enseignes de l’habillement.Pas de doute, quelque chose ne tourne pas rond dans cette affaire de pouvoir d’achat. Car – les hommes politiques ont raison de s’en inquiéter – nos concitoyens ont bel et bien la sensation que leur budget est en berne. Entre les pompes à essence en folie, les tomates à 4 euros et les salaires au point mort, 80% d’entre eux estiment que la situation des ménages se dégrade (contre 35% en 2001), selon le Crédoc. Jamais, depuis des lustres, les Français ne s’étaient sentis aussi pauvres. Pourtant, les indicateurs de l’Insee sont formels : non seulement le revenu disponible par tête ne s’est pas racrapoté, mais il n’a cessé de progresser ces dernières années (+ 2% par an, en moyenne, depuis 2000), et la consommation des ménages avec. Après avoir battu ses records historiques en 2006, cette dernière a encore augmenté de 2% l’année dernière. Jamais, depuis Vercingétorix, les Français n’avaient été aussi riches. Sorcellerie ? Pas de panique ! Ce léger décalage entre perception et réalité, que les économistes savent calculer à la virgule près, est assez facile à expliquer. Il tient d’abord à une illusion d’optique. Car enfin, à quoi pensent d’abord les Français lorsqu’ils veulent se figurer l’inflation ? Au prix de la baguette, à la dérive du Nutella ou à l’envolée du gazole, bref, aux dérapages des articles qu’ils consomment tous les jours. Or ce sont précisément ceux qui ont le plus augmenté. La chute des tarifs des appareils photo ou des écrans plats ne leur fait, en revanche, ni chaud ni froid. Et peu leur importe de pouvoir désormais traverser la France en avion au prix du carnet de métro : ils ne font pas si souvent le voyage, quand même ! «C’est toute la différence entre inflation réelle et ressentie, résume Robert Rochefort, le directeur du Crédoc. Dans un pays où presque tout le monde peut se payer une conso le dernier cri, on hurle à la vie chère parce que le tarif du petit noir s’est envolé.»

L’erreur de parallaxe des Français s’explique aussi par la transformation de leur structure de consommation. Téléphone mobile, Internet, câble, satellite… La plupart du temps, leur budget est désormais grevé par un bric-à-brac d’abonnements, desquels il est souvent peu commode de se dégager. Si bien que les ménages se sentent en quelque sorte prisonniers de leur propre budget. Si l’on ajoute à cela le loyer, le gaz, les assurances et la note d’électricité, la part des «dépenses contraintes» atteint aujourd’hui 33%. Bien sûr, en s’acquittant de leur forfait Orange, les Français consomment tout autant qu’en s’offrant une jolie paire d’escarpins rouges. Mais beaucoup d’entre eux n’en ont pas l’impression. Ils vivent ces dépenses comme une amputation sournoise de leurs revenus, à la manière d’un impôt. De sorte que, dans leur inconscient, le vrai pouvoir d’achat commence là où le paiement des abonnements s’arrête.Ajoutons à cela que nos compatriotes – c’est une tradition, au pays des Gaulois – ont tendance à mettre en avant les nouveautés qui fâchent et à oublier celles qui sourient. La quasi-obligation de financer des petits cours pour leurs enfants, qui n’existait pas il y a cinq ans, les fait, par exemple, régulièrement se lamenter. Mais les entend-on évoquer la disparition des frais de développement photo ? Ou les économies que les téléchargements permettent de réaliser sur les achats de CD ? Jamais. A se demander si les consommateurs ont conscience de cette distribution de pouvoir d’achat supplémentaire…Ils ont, en revanche, de bonnes raisons de se plaindre de la hausse des prix immobiliers. Selon le sociologue Louis Chauvel, il faut aujourd’hui travailler deux fois plus longtemps qu’en 1984 pour espérer s’offrir la même surface. Pourtant, les statisticiens ne prennent pas ce facteur en compte pour le calcul du pouvoir d’achat : pour eux, l’acquisition d’un logement ne relève pas de la consommation mais de l’investissement. Certes. Mais peut-on continuer d’ignorer les traites qui grèvent les budgets de tant de ménages ? Les hommes de Bercy doivent se le demander aussi, car ils sont en train d’élaborer un indicateur «spécial propriétaires». Autre élément invisible dans les statistiques, mais qui pèse sur le portefeuille des consommateurs : le nombre de ménages augmente deux fois plus vite que la population. Les familles sont en effet de plus en plus souvent éclatées, et les bataillons de personnes vivant seules ne cessent de se renforcer (elles sont 8,3 millions, contre 7,4 il y a huit ans). Or, à revenu par tête identique, vivre à plusieurs est évidemment plus économique, car on peut partager les frais fixes. Reste une dernière raison pour laquelle tant de Français ne se retrouvent pas dans les données que leur sert l’Insee : elles cachent d’énormes disparités. Ainsi, alors que les 0,01% de foyers les mieux lotis se sont mis 40% de plus dans la poche entre 1998 et 2005, beaucoup, dans les rangs des catégories intermédiaires, ont été maintenus au régime sec. Enseignants laissés-pour-compte du budget, employés snobés par leur DRH, retraités au bouillon maigre… Pour eux, les ravages de «la vie chère» ne sont pas un slogan. «C’est la première fois que les classes moyennes craignent de se faire rattraper par les problèmes des plus pauvres », constate Louis Chauvel.
Et pour elles, les choses risquent d’empirer dans les prochains mois. D’abord parce que l’inflation, suscitée par l’envolée des cours du pétrole et des matières premières, pointe à nouveau le bout de son nez. De l’avis même de la ministre de l’Economie, Christine Lagarde, la hausse des prix devrait dépasser cette année son niveau déjà élevé de 2007 (2,6%). Pas besoin d’être grand clerc pour deviner la suite : la Banque centrale européenne, pour qui la maîtrise de l’inflation est une véritable obsession, finira sans doute par resserrer ses taux. Et les ménages, qui comptaient sur le crédit pour continuer de consommer, en seront quittes pour emprunter plus cher.D’autant plus ennuyeux pour eux que, sur le front salarial, la contention devrait rester la règle. A priori, l’Etat ne dispose en effet d’aucune marge de manœuvre budgétaire pour augmenter ses fonctionnaires. Quant aux entreprises… Bien que beaucoup d’entre elles aient engrangé d’énormes profits ces dernières années, elles argueront sans doute de la flambée de l’euro, de la mauvaise conjoncture et de la montée des taux pour serrer encore la vis aux rémunérations. «En ce sens, conditionner les baisses de charges à la tenue de négociations salariales semble être une mesure pertinente», commente Eric Heyer, de l’OFCE. Pour le reste, pas la peine d’attendre des miracles des nouveaux dispositifs Sarkozy. Entre la monétisation des RTT, la réforme de la grande distribution, les exonérations de charges sur les heures supplémentaires, le coup de pouce fiscal aux intérêts d’emprunt et le déblocage de la participation, il y aura sans doute de quoi grappiller quelques bribes d’euros… Mais aucune de ces mesures ne suffira à doper durablement les fins de mois des Français. En définitive, le seul remède efficace contre les problèmes de pouvoir d’achat tient en trois mots : plus de croissance. Après-demain, peut-être ?

Anne Rosencher.
© Capital http://www.capital.fr/

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très intéressant. s'il te plait continue de faire des mises à jour régulières, ton blog est une vraie mine d'or.

bonne soirée.

Anonyme a dit…

très intéressant, comme d'hab'.
A quand une mise-à-jour? pas d'idées?/temps?

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